Le terroir de la terreur!

Aurore l’enfant martyre se venge !
Les loups hantent la campagne !
Maisonneuve est un cyborg !
Six auteurs revisitent l’histoire du Québec.
Rajoutant une couche d’horreur à notre terroir.
Exodes.



Tel que vu dans...

L’histoire du Québec revue par des maîtres de l’horreur

AURORE, L'ENFANT DU DIABLE
Nicolas Handfield

Après l’internement de sa mère à l’asile, la jeune Aurore croit que le malheur de sa famille ne peut empirer. Et pourtant, quand le curé du village suggère à son père de prendre une nouvelle femme, la vie de l’enfant bascule vers l’enfer. Dans ce pastiche inspiré des films de série B, l’enfant martyre aura sa vengeance !

HÉCATE
Daniel Sernine

Pour Louis Leroux, fuir la ville semble la seule solution afin d’échapper à ses démons. Mais les loups, les loups rôdent dans la campagne. Ils l’appellent et le hantent… Tout comme la gueule sanglante d’Hécate, et cette robe maculée de sang.

514 YIH-OOPI
Luc Dagenais

Montréal n’est qu’une colonie minière. Depuis sa fondation, elle subit les attaques incessantes des y’i:hoopis, créatures sanguinaires aux youyoulements à glacer le sang. Un seul homme peut défendre la ville contre ces monstres : Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve.
Les lecteurs d’ici se reconnaîtront avec plaisir à travers les pages de ce recueil et de son horreur inspirée du terroir.

— Sinistre Magazine

Lire un extrait de Exodes


514 YIH-OOPI, de Luc Dagenais



C’est écrit, donc c’est vrai.
— Sagesse populaire

La sirène hurle. Un y’i:hoopi a été signalé en dehors du périmètre sécurisé de la réserve faunique du Mont-Royal, au nord de la ville. C’est le branle-bas de combat dans la caserne du Groupe tactique d’intervention urbaine. Le gyrophare mural crache une lumière rouge qui ensanglante l’équipement, le véhicule et les agents, et trace de longues ombres grenat sur les murs de béton.

Avec des gestes nerveux, rapides et précis, tous les paramilitaires en service se préparent en silence. Henri, le tireur d’élite, ajuste son arme et sa lunette de visée. Siu-Lan, la médic, prépare sa trousse. Ziggy, Éric et Jade, les fantassins, enfilent leur combinaison de combat. Virginie, la spécialiste des communications, règle caméras et microphones sur les casques de ses collègues. L’opératrice de véhicule, Maganga, déjà derrière le volant de son humvee, contrôle les témoins du tableau de bord.
 
 
Seul le leader de l’unité beugle des ordres, que personne n’écoute ni n’entend. Il se sent puissant et important, supérieur, comme tous les autres capitaines avant lui ; capitaines qui, en général, ne survivent pas très longtemps. Imbus d’eux-mêmes, dominateurs et agressifs, les chefs d’unité réussissent à quelques reprises là où les autres ne se seraient même pas risqués, puis commettent des erreurs de jugement et échouent. Et meurent. Et sont remplacés. Mais Franco, « Macho Franco », entame sa deuxième année en fonction, alors que son prédécesseur ne s’est pas rendu à six mois. Il faut admettre qu’il est particulièrement bien outillé pour le poste : grand, musclé, vif, très agressif, intolérant, violent. Mais quelle différence cela fait-il vraiment face à un y’i:hoopi haut de 3 mètres, avec une portée de 400 centimètres sans les griffes, elles-mêmes longues comme un avant-bras humain ?

L’alarme persiste, assourdissante, aveuglante.

Même Alain, l’employé de bureau commis à tout faire — secrétaire, réceptionniste, archiviste, relationniste — a laissé son jeu vidéo de côté et s’affaire. C’est la seule façon pour lui de se rapprocher de l’action. Il a la même formation que les autres, mais le destin, aussi connu sous le nom de hiérarchie, a décidé qu’il n’était pas digne de participer aux opérations de terrain. Pourquoi ? Parce qu’il est victime de rouquinisme. Parce qu’il a des taches de rousseur et que ses cheveux et ses poils de cul sont du même roux que la fourrure des y’i:hoopis. Parce qu’il a toujours été trop fier pour se teindre et qu’il n’a jamais été assez lèche-bottes pour passer outre lorsqu’un supérieur lui passait des remarques.

La sirène crève les tympans, impossible à ignorer.

Un homme, pourtant, ne réagit pas. Un peu plus âgé que ses collègues — la trentaine alors que les autres ont la jeune vingtaine —, il porte le même uniforme bleu foncé que tout le monde, a les cheveux bruns, mi-longs, et arbore une fine moustache. Ses larges épaules et son dos droit contrastent avec sa tête basse et sa mine déconfite. Sourcils froncés, il fixe le vide d’un regard sombre et intense. Presque toujours assis à la table de la cuisinette de la caserne, il ne porte attention à qui ou quoi que ce soit. Son casier avec son équipement, pourtant bien rangé et bien entretenu, demeure fermé. Personne ne lui fait de reproches. Personne ne le remarque plus. Alerte ou non, il est toujours là, apathique et immobile, à fixer un souvenir douloureux.

Pour les gars et les filles de l’unité, il fait partie des meubles. Ils ne connaissent rien de lui, mais, puisque le groupe fonctionne, ils le laissent en paix. Certaines mauvaises langues prétendent qu’on ne le renvoie pas parce qu’il est pistonné dans l’Administration. D’autres, plus romantiques, supposent qu’il n’est là que pour venger sa femme tuée par un y’i:hoopi il y a longtemps.

Cette hypothèse est fort possible, puisque ces monstres sauvages ont, de tout temps, commis des exactions sur la population de Montréal et ralenti le développement de cette ancienne colonie française qui n’a jamais réussi à devenir autre chose qu’un gros village minier. Quelle folie aussi que de s’établir sur le territoire le plus inhospitalier de toutes les Amériques, simplement pour satisfaire l’appétit d’un roi et de sa cour pour le schwartzonium, un minerai mou et comestible à saveur de viande fumée, qui, comme les y’i:hoopis, ne se trouve que sur l’île de Montréal.

Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, devrait avoir honte.

Et, de fait, avec un peu d’empathie, on pourrait voir du remords, de la tristesse et de la détresse dans le regard de cet homme immobile perdu dans ses cauchemars.
 
Exodes mérite d’être lu et relu. [...] Un contenu de qualité s’amalgame à des atmosphères sombres, malsaines – si ce n’est carrément dérangeantes!

— Brins d'éternité